Récit d’un voyage sans retour aux confins de l’univers dans une galaxie cabalistique…
Brouillard dense sur Rennes lundi matin à 5h30, heure inhabituelle de réveil pour moi. Je prends le premier bus de la semaine à 6h34 avec l’impression d’appartenir au monde de ceux qui se lèvent bien avant les autres… Je retrouve ma collègue Perrine à 7h00 à la garde de Rennes, l’oeil un peu hagard et la mine endormie. Quelques minutes plus tard, nous voilà confortablement installées dans le TER de 7h12 pour Nantes…encore loin d’imaginer ce qui nous attend !
Attrainissage à la gare de Nantes puis saut dans le tramway direction la BU Droit -Sciences économiques du campus du Tertre. A nous le stage de formation organisé par le CFCB Bretagne-Pays de la Loire. A nous l’
initiation au catalogage ISBD. Autrement dit, bienvenue en enfer, sur une autre planète, celle des bibliothécaires d’un autre temps, archaïques et attachées corps et âme à leur langage cunéiforme et cabalistique !
Le catalogage ISBD : voilà une activité bien étrange à laquelle se livrent nombre de bibliothécaires sous l’égide de la BNF et de l’AFNOR, secte entièrement dédiée à la cause de la description physique des documents qui peuplent les rayonnages des bibliothèques. Et cette secte s’apparente à une vraie religion, avec une Bible (les
Normes de catalogage de l’AFNOR, en 3 volumes), des rituels (inspection du livre sous toutes ses coutures), des fanatiques (les bibliothécaires de Ste Geneviève à Paris), des athées (nous !), des codes (signes de ponctuation en veux-tu en voilà…).
Chaque document intégrant le catalogue d’une bibliothèque (nettement moins coloré et fun que celui d’Ikea) se doit d’être décrit selon des critères bien précis, ceux de la
norme Z44-050 – Description bibliographique des ressources de texte imprimé. Et il y a de quoi s’arracher les cheveux :
– une règle = trois exceptions au minimum ;
– des points qui ne peuvent en aucun cas être remplacés par des virgules ;
– des abréviations tout à fait inintelligibles ;
– des hiérarchies ubuesques entre page de titre, achevé d’imprimé, dépôt légal et copyright ;
– des comptes à dormir debout pour calculer le nombre de pages que compte un ouvrage ;
– un double-décimètre pour mesurer au centimètre près la hauteur des livres…
En bref, un langage méconnu de tous sauf de la grande congrégation des catalogueurs ! Voilà donc une galaxie incongrue où l’on aime couper les cheveux en quatre, sans prendre du tout en considération les besoins des utilisateurs, drones justes bons à occuper des fauteuils en bibiliothèque.
En quelques heures, le formateur nous a asséné les grands dogmes interplanétaires du catalogage…et voici ce à quoi nous avons abouti après avoir torturé nos petits cerveaux de néophytes :
Je m’ennuie à mourir [Texte imprimé] : formation au catalogage ISBD / Lisenn Morvan .- [S.l.] : J. Corti, DL 2010 .- 1 vol. (XV – 297 p.) : ill., couv. ill. en coul. ; 11 cm. .- ISBN 2-76-058944-2.*voir traduction en fin de billet pour les plus curieux…
Nous voilà donc contaminées par cette maladie hautement contagieuse… Obligées de faire des exercices de transcription sans intérêt, juste pour le plaisir de certaines bibliothécaires zélées. Cette galaxie est hostile, sans originalité, revêche à toute évolution et parfaitement imperméable à toute personne incapable de comprendre son langage…une société ultra-orthodoxe, raciste et sans âme… Vivement le prochain vol intergalactique et le retour vers des planètes plus accueillantes !
Pauvre de nous, la formation se fait en 2 fois. Prochaine mission spatiale mode « Je vis sur une autre planète et j’en suis fière » : le stage de formation « Catalogage UNIMARC dans le SUDOC » en mars…
* réponse subsidiaire pour le fragment hiéroglyphique :
Le titre du livre est « Je m’ennuie à mourir » et son sous-titre est « formation au catalogage ISBD » ; il s’agit d’un texte imprimé. Il est écrit par Lisenn Morvan. L’éditeur est José Corti mais le lieu de la maison d’édition n’est pas précisé sur l’ouvrage (s.l. est l’abréviation indiquant sine loco, sans lieu en latin…quand je vous disais qu’elles étaient vieilles et archaïques les catalogueuses de Ste Geneviève….) ; la date d’édition est la date de dépôt légal en 2010. Le livre est constitué d’un seul volume ; il comprend deux sections de pagination : par exemple une préface de 15 pages puis le reste du livre sur 297 pages. Le livre comprend des illustrations et sa couverture est illustrée en couleurs. Enfin, le livre mesure 11 cm de hauteur. Son ISBN est 2-76-058944-2.